Will Harvey Kellog : celui qui a réussi
Vous vous souvenez de John Harvey Kellogg ? Eh bien ce n’était pas le seul remarquable dans la famille. Et a priori celui-là n’en avait pas après vos parties génitales. Il a juste créé un empire agro-industriel.
– Attends attends, tu m’avais bien parlé de deux frangins Kellogg ?
– En effet. Deux sur dix-sept. Le deuxième qui mérite d’être évoqué est Will Keith, né huit ans après John.
– Alors, c’est quoi sa carrière ?
– Will rejoint son grand frère pour travailler au sanitarium. Il n’est pas médecin, et travaille sur les différentes créations alimentaires de son frangin, notamment le développement des pétales de céréales soufflées. Il y a cependant un truc qui l’agace de plus en plus chez John.
– Il le tanne à longueur de journées sur les dangers de la masturbation ?
– Alors, peut-être, mais je ne pensais pas à ça.
– On me dit pourtant que tu y penses souvent. Très, très souvent.
– Tu devrais reprendre un bol de céréales fades. Non, ce qui agace Will, c’est l’absence de vision commerciale et industrielle de son grand frère. John Kellogg, aussi paradoxal que ça puisse paraître pour quelqu’un qui propose de passer des clitoris à l’acide, est sincèrement philanthrope. Il n’est pas là pour faire de l’argent. Il laisse donc par exemple tous les pensionnaires du sanitarium étudier autant qu’ils veulent les procédés de fabrication des aliments qu’on leur sert. C’est ainsi qu’un certain Charles William Post, qui fréquente le sanitarium à la fin du XIXème, copie allégrement le processus et va fonder sa propre boîte, qui deviendra tout simplement General Foods.
– Le nom me dit quelque chose.
– Tu m’étonnes. En 1985, General Foods, littéralement fondé sur de la copie industrielle, est racheté 5,6 milliards de dollars par Philip Morris.
Par la suite, General Foods fusionne avec Kraft. Donc oui, on peut dire que jeter un coup d’œil en cuisine a plutôt pas mal réussi à la petite entreprise de Charles Post.
– On comprend que Will soit agacé.
– Effectivement. De manière générale, les relations avec John sont mauvaises. L’aîné a tendance à regarder son cadet de haut et à minimiser ses contributions. Par conséquent, en 1906, c’est la rupture.
– Une raison particulière ?
– Oui. Will propose de rajouter du sucre dans les corn flakes, et John y est résolument opposé. L’histoire ne dit pas s’il avait peur que cela fasse saillir d’irrépressibles appétits sexuels chez les consommateurs, mais le connaissant ce n’est pas impossible. Toujours est-il qu’il refuse.
– Et du coup ?
– Will se barre, et va ouvrir sa propre boîte.
– Sa propre boîte de céréales.
– Tu m’épuises. Toujours est-il que Will fonde la Battle Creek Toasted Corn Flakes Company. Plus tard, il parvient à la renommer Kellogg Company, en interdisant à son frère d’exploiter commercialement le nom de famille. Will donne alors aux produits conçus avec John les moyens de se développer à une échelle proprement industrielle, et c’est le succès mondial. Aujourd’hui, l’entreprise Kellogg’s est toujours basée à Battle Creek, mais est implantée dans 18 pays, et vend ses produits dans environ 180. Elle emploie 34 000 employés, et a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 15 milliards de dollars, pour près de 2 milliards de profits.
– Pas mal pour des céréales fadasses.
– En effet. A noter que Will est lui aussi un philanthrope. Pendant la Grande Dépression, il fait tourner ses usines en 4×6, afin de pouvoir embaucher plus de monde. En 1964, il fonde également la Kellogg Foundation. A noter qu’il a aussi créé un haras, le Kellogg Arabian Ranch, aujourd’hui Kellogg Arabian Horse Center, qui fait aujourd’hui partie de l’Université Polytechnique de Californie. Il a d’ailleurs contribué à créer cette dernière.
– Fonder des établissements universitaires est manifestement une tradition familiale.
– Faut croire. L’action philanthropique de la famille a d’ailleurs également permis de créer le 36ème college d’Oxford, le Kellogg College, qui est celui qui accueille le plus d’étudiants de toute l’université.