It’s raining meat, alleluiah !

It’s raining meat, alleluiah !

Vous vous souvenez du Kentucky ? Mais si, c’est là qu’il y a des gens à la peau bleue. Penchons-nous un peu sur sa météo, maintenant.

– Pfff, fait moche.

– Ouaip. Tombe des cordes.

– Des hallebardes, même.

– Ca doit faire mal ça.

– Sûr. Les anglophones disent qu’il pleut des chiens et des chats. On se demande où ils sont allés chercher ça.

– Ah ben les pluies d’animaux ça arrive.

– Ah bon ?

– Oui oui. Bon, d’accord, pas des chiens et des chats. Plutôt des grenouilles ou des poissons.

– Je serais curieux de savoir comment…

– On pourra y revenir. Mais y’a encore mieux.

– Mieux ou pire ?

– A toi de voir. Partons donc au Kentucky. Plus précisément à Rankin, dans le comté de Bath. Nous sommes le 3 mars 1876. Mme Crouch vaque à ses occupations dans son jardin. Plus précisément, si tu veux tout savoir, elle fait du savon.

– Ca a un lien avec la suite ?

– Non, absolument aucun. C’est pour poser l’ambiance.

– Ah ouais d’accord, c’est pas mal.

– C’est encore mieux sans interruption.

– Je comprends.

– Il est entre 11h et midi. Le temps est calme. Le ciel est clair et dégagé.

– Ca ne ressemble pas vraiment à des conditions de pluie.

– Non. Mais ce qui suit n’a pas grand-chose avec une averse classique. Il se met alors à tomber…

– Mais enfin quoi ?

– De la viande.

– De la ? Mais ? Comment ça ?

– Des morceaux de viande. D’à peu près 5 cm de côté. « L’averse » dure plusieurs minutes, le temps que le M. Crouch se pointe et constate lui aussi le phénomène. Pendant tout ce temps, des morceaux de viande tombent sur une surface d’environ 50 mètres sur 100. Heureusement, les Crouch trouvent rapidement une explication.

– Ah, bien. Alors c’est quoi ?

– Ben Dieu, bien sûr.

« A table ! C’est servi ! »

Les Crouch balancent entre répétition de l’épisode biblique de la manne et une forme assez cryptique d’avertissement divin, mais enfin si ça vient d’en haut, ça vient d’en haut.

– C’est pas pour être pénible, mais je ne vais pas me contenter de cette explication.

– Tu as raison. Et tu n’es pas le seul. Plusieurs voisins se rendent sur les lieux et constatent que oui, la zone est couverte de morceaux de viande qui semblent tombés du ciel. A l’œil, les premiers témoins trouvent que ça ressemble à du bœuf, en termes de couleur et d’odeur.

– Admettons.

– Mais un chasseur local conteste. La chair lui semble plus grasse que du bœuf, et il penche pour de l’ours.

Mais, c’est pas gras !

– Ca nous avance pas des masses.

– Non. Se pointent alors des courageux, qui décident de…

– Naaan.

– Ben si. Ils goûtent.

– Excuse-moi, je reviens.

Ca a l’air dégueu, là, 150 ans après, mais en fait ça l’était sûrement déjà à l’époque.

– Ca va mieux ?

– Enchaîne.

– Donc, ils goûtent. Et ils hésitent entre du gibier et du mouton. Un boucher s’en mêle, et considère qu’il ne s’agit ni de poisson, ni de volaille, ni de bétail.

– Mystère et boule de viande.

– Voilà. Des échantillons sont envoyés à l’université de Louisville. Conclusion : c’est du mouton. Ou pas, selon un autre expert, qui est convaincu qu’il s’agit de viande, mais d’un autre type.

– Moi je veux bien, mais mouton ou ours ou autre, à ma connaissance ces bestioles ne volent pas, encore moins sous forme hachée.

– C’est un argument scientifiquement solide, et de fait on commence à réfléchir à l’origine de la chose. Je tiens à mentionner un article du New York Times, dont l’auteur est convaincu que de la même façon qu’il y a des météores de roche, il y aurait aussi des fragments de viande qui parcourent le système solaire sur des orbites fixes, et sont donc susceptibles de tomber sur Terre à échéance régulière.

– Faudrait arrêter la drogue au New York Times.

– Attends, il ne s’arrête pas là. Il imagine aussi, alternativement, que de braves habitants du Kentucky se sont faits aspirer dans une tornade alors qu’ils manipulaient leurs couteaux de chasse, se sont donc proprement faits découper en morceaux, et ont fini saupoudrés dans le jardin des Crouch.

Non mais alors à ce compte-là allons-y…

– N’importe quoi.

– Pour le moins. Une autre théorie est un peu plus sérieuse : le nostoc.

– C’est du gibier ?

– Non. C’est une forme de cyanobactérie, qui se développe au sol, et qui prend une consistance gélatineuse au contact de l’eau.

Non, je suis d’accord, ça ne ressemble pas à de la viande.En même on est au Kentucky, quand on voit ce qu’ils appellent du poulet…

L’idée est que le nostoc se serait développé dans le jardin, au sol, et aurait pris son apparence si appétissante sous l’effet d’une pluie banale.

– Oui mais enfin j’ai du mal à croire que plusieurs personnes aient pu confondre avec de la viande. En plus tu as dit qu’il faisait beau à ce moment-là.

– Effectivement. C’est la raison pour laquelle il est aujourd’hui admis que l’explication est toute autre.

– Tant mieux, franchement je trouvais ça un peu dégueu.

– Euh, tu vas pas aimer la nouvelle version.

– Uh, c’est quoi alors ?

– Des vautours.

– De la viande de vautour ? J’en mangerais pas, merci, mais c’est pas si pire.

– Non non. C’est pas de la viande de vautour. C’est du…ahem…oh et puis ça suffit, je ne trouverai pas un moyen propre de dire ça. C’est du vomi de vautour.

– Du QUOI ?

– Du vomi de vautour. Un groupe de vautours qui se seraient vidé l’estomac en altitude.

– Mais enfin comment ça ?

– Bon, imagine des vautours en train de manger. Ils se remplissent la panse, et après, comme tout le monde, ils ont besoin d’un peu de temps tranquille pour digérer. A partir de là, s’ils doivent s’envoler rapidement, pour une raison ou une autre…

– Pour fuir quelque chose ?

– Par exemple. S’ils doivent s’envoler, au bout d’un moment, le fait d’avoir le ventre plein peut les gêner plus qu’autre chose. Alors ils vidangent. Ca peut aussi arriver parce qu’ils ont mangé un truc pas trop propre, même pour des vautours. C’est un phénomène connu. On parle même de vomi projectile.

– Le vautour, cet animal qui a tout pour lui.

– Voilà. Ca expliquerait en plus que les morceaux de viande puissent être de différente nature, aussi bien en termes d’animal que de type de tissus (viande, cartilage, mais aussi pas mal de morceaux de poumon, à l’analyse). Ou que quand on a fait brûler un des échantillons, il sentait la charogne.

– Bon. Y’a des vautours dans le Kentucky ?

– Oui, deux espèces, le vautour noir et le vautour aura.

« Bonjour, je vais m’occuper de votre table. Je vous propose un apéritif pour commencer ? »

Tous les deux sont connus pour pratiquer le vomi à la fois comme mécanisme de défense et de délestage en vol.

– Mais c’est dégueulasse ! Tu veux dire que nos deux braves paysans se sont fait recouvrir leur jardin par du vomi de vautour.

– Ben…oui.

– C’est bien crade.

– Certes. Mais quand même moins que le fait que plusieurs voisins se soient pressés pour goûter.

– Je reviens !

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