Le dernier consultant
– Ha, on fait un peu de ménage dans ses photos ?
– Ben oui, faut bien. Ca finit par s’accumuler au bout d’un moment. Et puis tu sais comme j’aime bien tout mettre au carré dans un emplacement dédié et spécifique.
– Moi je le sais, tes chaussettes j’en suis moins convaincu.
– Je t’ai déjà demandé d’arrêter de fouiller dans mes placards.
– Faudrait que leur contenu évite de déborder, aussi.
– Oui eh ben pour éviter d’avoir le même problème avec mes photos, je les range. Voilà.
– Ah mais je connais ça !
– Tu es sûr ?
– Ben évidemment. C’est par chez moi.
– Mmm, non.
– Ce ne sont pas les restes de fortifications de type Vauban ?
– Ah si, tout à fait. Une ancienne forteresse, conçue selon les principes de ce brave Sébastien le Prestre, marquis de Vauban, convertie en espace vert.
On ne vous fait pas un dessin. Essentiellement parce qu’on est très mauvais en dessin.
– Eh ben si, les places fortes de Vauban c’est dans mon coin.
– Pas celle-là.
– Ah. Plus dans l’est, alors ?
– Euh, oui. Le Grand Est, alors.
– Les Ardennes ?
– Non, plus loin.
– L’Alsace, donc?
– Tu n’y es pas. Le Grand Grand Est. L’extrême-est, en fait.
– Tu situes ça où, l’extrême-est ?
– Le Japon.
– Ca c’est au Japon ? Marrant, j’imagine qu’on peut parler d’évolution architecturale convergente. A des milliers de kilomètres de distance, des stratèges en sont venus aux mêmes idées sans avoir jamais eu aucun contact entre eux.
– Pas du tout. Il s’agit bien d’une application des principes de Vauban, au Japon. En fait c’est l’œuvre d’un militaire français là-bas.
– Tu veux dire un Français qui a construit une forteresse au Japon ?
– Exactement. Tu veux la version courte ou la version longue ?
– Sérieusement ?
– Pardon. Nous partons donc pour le Japon du milieu du 19e siècle. Soit l’ère Edo, qui a commencé quelque chose comme deux cents ans plus tôt. L’Empire est encore une nation isolée et isolationniste, en vertu de la doctrine sakoku, qui signifie précisément isolement. Et là, en 1853 et sans crier gare, Matthew Perry se pointe dans le port de Tokyo.
– Mais qu’est-ce qu’il fait là ?!
« Aucune idée. J’ai l’habitude »
– En l’occurrence, Matthew Perry est un officier de la marine américaine, qui arrive avec une petite flotte de bâtiments modernes, c’est-à-dire qui ont un bon paquet de décennies, voire plus, d’avance sur les bateaux japonais. Et qui décide de forcer un peu la porte.
– Mais enfin, Matthew.
– L’inconvénient de l’isolationnisme, ben c’est que ça isole. Le Japon ne fait à l’époque pas partie des pays modernes, il est en effet largement resté au Moyen-Age, en particulier en matière de technologie militaire. Donc quand des navires US rentrent dans le port, les autorités se rendent compte qu’elles ne peuvent pas vraiment les forcer à partir, et qu’elles ont un très sérieux rattrapage à envisager si elles veulent se mettre à la page. L’année suivante, le Japon signe absolument de son plein gré un premier accord avec les Etats-Unis, suivi par un traité d’amitié et de commerce en 1858, qui accorde aux Américains le droit de débarquer dans deux de ses ports, et d’installer un consulat dans la ville de Shimoda. L’empereur Tomei était hostile à la signature, mais le shogun l’a voulu.
– Attends, c’est pas l’empereur qui décide ?
– L’empereur est le souverain à qui tout sujet doit obéissance et révérence, le descendant direct de la déesse-soleil, tout ça, mais dans les faits il a une autorité symbolique et cultuelle, et c’est à peu près tout.
– Et tu disais que ce n’était pas un pays moderne.
– Depuis le 12e siècle, la réalité du pouvoir est dans les mains du shogun, c’est-à-dire pour faire simple le chef des armées. C’est lui qui commande aux daimyos, les différents chefs de clan, et aux samouraïs. Ils prêtent tous formellement allégeance à l’empereur, mais c’est le shogun qui gouverne. Et depuis deux siècles le shogunat revient au clan Tokugawa, qui s’est installé dans la ville d’Edo. D’où le nom donné à cette période.
– Donc l’empereur n’est pas favorable à la signature des traités avec les Etats-Unis, mais le shogun passe outre.
– C’est ça. Ce qui le rend impopulaire auprès de tous ceux qui voient d’un mauvais œil cette ouverture forcée, y compris de nombreux daimyos et samouraïs qui sont plutôt partisans de la doctrine sonno joi, ce qui signifie « révère l’empereur, repousse les barbares ». Ils se mettent donc à pencher du côté de l’empereur. Le Japon est face à un choix : s’ouvrir et embrasser la modernité, ou au contraire rester fidèle à ses traditions, au risque de connaître un sort comparable à celui de la Chine, grand empire dépecé par les Occidentaux. Le pays est divisé sur l’option à retenir, ce qui va opposer l’empereur et le shogun. Ce dernier tente de mater ces protestations, ce qui s’avère contre-productif. Les clans Choshu et Satsuma se rangent du côté du trône, ce qui conduit le shogun à lancer des expéditions contre eux, qui se soldent par des échecs. En août 1866, le jeune shogun Tokugawa Iemochi meurt, remplacé par un autre membre du clan, Yoshinobu. Le 30 janvier 1867, c’est le 121e empereur du Japon, Komei, qui passe le katana à gauche. Son fils le prince Mutsuhito, âgé de 15 ans, accède alors au trône le 3 février. Il sera connu après sa mort, c’est la tradition, sous le nom de Meiji.
– En parlant de modernisation, on a un empereur et un shogun tout neufs.
-L’empereur Meiji est précisément partisan de la modernisation du Japon, ce qui signifie son occidentalisation, avec le soutien de ceux qui en plus veulent rétablir l’autorité impériale. En face, le shogunat Tokugawa, en place depuis 1192 avec le soutien de la majorité des samouraïs.
– Une querelle des anciens et des modernes, c’est classique.
-Ce n’est pas si simple, attention de ne pas verser la vision romantique des samouraïs attachés à leurs traditions séculaires comme à leur Code du Guerrier largement fantasmé. Les motivations des daimyos qui s’opposent à la volonté de modernisation de l’empereur sont loin de ne correspondre qu’à un attachement au passé. Ils sont également hostiles au fait que ce mouvement remet en cause leur position comme élite dirigeante du pays. Sachant que les conseillers de l’empereur qui le poussent à mettre en œuvre cette politique, à commencer par les clans Choshu et Satsuma, sont également des samouraïs. Mais eux considèrent l’entrée dans la modernité comme souhaitable, voire impérieuse.
– Je sens que tout ce petit monde va se fâcher.
– C’est bien possible, mais pour connaître la suite il faut faire un détour par le Mexique.
– L’histoire japonaise n’en finit pas de me surprendre.
– Le 2 janvier 1838, à Belfort, Jean-Michel Brunet a un fils, Jules.
– Grand bien lui fasse, mais qu’est-ce que..
– Brunet père est vétérinaire militaire dans les dragons.
– Il soigne des dragons ?!
– Non, son truc c’est les bourrins.
– Dans l’armée ça fait du monde.
– Non, les chevaux. Le petit Jules veut également faire carrière dans l’armée, donc il intègre Polytechnique et devient officier dans l’artillerie. Puis part au Mexique.
– Mais qu’est-ce qu’il va faire au Mexique ?
– En 1861, le Mexique est une république fédérale. Des généraux conservateurs lancent une rébellion contre le président Juarez, qui a fait passer plusieurs lois qui vont contre l’intérêt de l’Eglise catholique. Juarez réussit à s’en débarrasser, mais le pays est meurtri et sa situation financière est précaire. Il doit beaucoup d’argent aux puissances européennes, notamment la Grande-Bretagne, l’Espagne, et la France. Napoléon III a la brillante idée de prendre prétexte de l’instabilité du pays et de ses dettes pour lancer une intervention militaire et changer le régime. En profitant du fait que les Etats-Unis, qui ont signé un traité de défense avec le Mexique après lui avoir piqué un gros bout de territoire, sont suffisamment occupés à se mettre sur la gueule entre eux.
– C’est quoi son idée à Louis-Napoléon ?
– Oh ben, je te laisse deviner. Par quoi on remplace les républiques, chez les Bonaparte ?
– Par des…il va quand même pas installer un empire au Mexique ?!
– Mais si.
« Une méthode testée et approuvée. Par référendum. Que j’organise. »
L’objectif est d’installer à la tête du pays un empereur catholique et conservateur pour faire pièce à l’influence des Etats-Unis protestants.
– Ca m’a tout l’air d’une bonne idée. Bon, il va pas aller jusqu’à bombarder souverain un pote général comme tonton ?
– Ben non, quand même. Il a une bien meilleure idée. Pour régner sur un pays d’Amérique centrale, quoi de mieux qu’un rejeton de famille impériale européenne ?
– J’ai beaucoup de réponses qui me viennent.
– Ben tu peux les garder. Pour devenir empereur du Mexique, l’homme de la situation est Maximilien de Habsbourg, archiduc d’Autriche et prince de Hongrie et de Bohème, aussi fait pour devenir empereur du Mexique que toi ou moi.
– Pour trouver un trône, suffit de traverser l’océan.
– Et d’arriver avec une grosse troupe. Etant donnée sa légitimité absolument nulle, Maximilien est installé et maintenu sur le trône par l’armée française, et son empire est de fait un protectorat français. Qui doit faire face à l’hostilité de la plus grande part du pays, et pour faire vite l’expédition mexicaine tourne à la déroute pour Napoléon III, qui doit rapatrier ses troupes la queue entre les jambes en 1867. Mais en ce qui nous concerne, l’important est que Jules Brunet s’illustre au Mexique entre 1862 et 1864. Il en revient avec la légion d’honneur et le grade de capitaine, et il intègre le régiment d’artillerie de la garde impériale.
– Pas mal.
– Carrément. C’est un jeune officier en vue.
– Très bien pour lui, mais le rapport avec le Japon ?
– L’empereur…
– Attends, lequel ? Ca commence à faire beaucoup.
– Meiji. L’empereur du Japon, partisan de la modernisation/occidentalisation du pays, a commencé à mettre à jour ses troupes, c’est-à-dire pour une large partie celles des clans qui lui sont favorables. J’entends par là les équiper d’armes modernes, et les entraîner à leur usage. Les arcs, les lances, et les sabres, c’est dépassé. Le shogun commence à se dire qu’il serait bien inspiré d’en faire autant. Il se tourne donc vers une nation qui fait toujours figure de référence dans le domaine militaire, en dépit de ses récentes déconvenues en Amérique.
– La France ?
– Tout juste.
« Y’avait peut-être plus urgent à commander que les uniformes ? »
Napoléon III accepte de lui envoyer un groupe de sept experts, sous le commandement du capitaine Chanoine, ça ne s’invente pas. Dont Brunet pour la partie artillerie.
– Sept guerriers ? En mission ? Au Japon ? On pourrait en faire une histoire…
– Certainement. Ils commencent donc à apprendre aux soldats du shogun l’usage d’armes modernes, et les tactiques qui vont avec. Et il se trouve que Brunet fait bonne impression auprès des hommes qu’il a pour mission d’entraîner. En plus de ses états de service, il a d’abord un physique assez imposant du haut de son mètre quatre-vingt-cinq.
« Les uniformes ça ne va pas à tout le monde, Tokugawa-san. »
Et puis c’est aussi un artiste, qui se débrouille pas mal du tout avec des pinceaux, ce qui n’est pas pour déplaire aux troupes.
« L’occident moderne rejoint l’orient immémorial dans un camaïeu de bleus et d’étoffes souples et confortables. »
De son côté, Brunet apprécie la tradition guerrière des samouraïs et leur discipline. Tout ce petit monde se met donc au boulot, et globalement les consultants français font du bon travail.
– Une autre époque…
– Malheureusement, ils vont manquer de temps. L’empereur s’inquiète de voir le shogun moderniser son armée. Il y voit le prélude à un renforcement de son pouvoir, alors que l’ouverture du pays a au contraire permis de rééquilibrer la balance au profit du trône après des siècles de règne effectif du shogun. Il décide de prendre l’initiative. Il se rapproche de plusieurs daimyos pour se débarrasser de Tokugawa, et se pose comme partisan de la réforme et de la modernisation contre les tenants des traditions et du conservatisme.
– Je doute que le shogun se laisse faire.
– Eh ben…si, plutôt. Yoshinobu Tokugawa est disposé à rendre le pouvoir à l’empereur pacifiquement. Le shogun remet formellement ses prérogatives à la disposition du Mikado le 9 novembre 1867, puis démissionne. C’est la fin officielle du shogunat. Mais Tokugawa conserve de fait encore un pouvoir considérable.
– Il a compris qu’il fallait donner des gages, et que tout change pour que rien ne change le temps qu’il dispose de forces modernes et efficaces ?
– Je ne saurais te dire. C’est possible. Cependant la restauration du pouvoir impérial est proclamée le 3 janvier 1868, et l’empereur annonce sa volonté de retirer au clan Tokugawa ses titres et ses terres.
– Quand même, faut pas pousser.
– Exactement. Tokugawa décide alors de marcher sur la capitale, Kyoto. Non pas pour prendre le pouvoir, mais pour remettre formellement à l’empereur une lettre de protestation, et l’enjoindre à ne pas mettre ce projet en œuvre. Il est accompagné par les officiers français, dont Brunet. Et aussi plusieurs milliers d’hommes, c’est quand même aussi une démonstration de force. Ils arrivent devant Kyoto le 27 janvier 1868, mais se voient refuser le droit de rentrer dans la ville. La tension monte, et les troupes des clans Satsuma et Choshu, proches de l’empereur, reçoivent l’ordre d’ouvrir le feu. C’est la bataille de Toba-Fushimi, qui marque le début de la guerre de Boshin, la guerre de l’année du Dragon.
– Je ne vais pas nier que comme nom de guerre, ça claque.
– Incontestablement. La bataille de Toba-Fushimi oppose 5 000 soldats Stasuma et Choshu à une force shogunale trois fois plus nombreuse. Mais sensiblement moins bien équipée. Les troupes du shogun combattent littéralement avec des armes blanches contre des armes à feu et de l’artillerie. Elles luttent pendant 4 jours, mais sont finalement défaites. De nombreux daimyos partisans du shogun passent du côté de l’empereur. Tokugawa se retire à Edo, où l’ambassadeur de France lui soumet un plan pour défendre la ville. Cependant Yoshinobu décide de lâcher l’affaire et de se rendre à l’empereur.
– Ah ben ça aura été rapide. Elles sont courtes, les années du Dragon.
– Tokugawa abandonne, mais l’amiral Enomoto Takeaki décide de reprendre le flambeau avec les troupes qui sont encore fidèles à l’ex-shogun.
– Et les Français dans tout ça ?
– Les puissances étrangères se déclarent neutres dans le conflit, et l’empereur demande à la France de rapatrier ses conseillers. Mais Brunet souhaite rester auprès des armées Tokugawa. Il écrit à l’empereur, celui de France, pour lui expliquer que la France a la sympathie du shogunat et dispose encore de nombreux hommes. Il souhaite donc continuer à lui apporter son soutien. En vrai, il semble que sa sympathie pour les hommes qu’il a entraînés et appris à apprécier compte au moins autant que l’idée de travailler à la victoire de la partie pro-France.
– C’est très honorable de sa part.
– Mais c’est un officier français, il ne peut pas prendre part à un conflit vis-à-vis duquel le pays est neutre.
– Ca pourrait en effet poser des problèmes.
– Il propose donc de démissionner, mais ses supérieurs refusent. Ils lui accordent en revanche un an de congé sans solde. Il s’engage avec le shogun contre l’empereur en tant qu’individu, et non officier français.
– Ah, la manœuvre classique de « c’est le moment de solder vos congés ».
Comme on dit dans la police, « donnez-moi votre arme, et votre badge. »
Brunet accompagne donc Takeaki dans le nord du pays, pour y fonder la Coalition du Nord. Les dernières forces du shogunat résistent de leur mieux, mais sont défaites en novembre 1868. Takeaki part à Hokkaido et y fonde la république d’Ezo le 25 décembre 1868, et Brunet fait toujours partie du voyage. Il est nommé conseiller du ministre de la Guerre. Il continue à superviser l’entraînement des troupes. Et à peindre.
Il ne serait pas un peu trop bon dans trop de trucs, à la fin ?
Il lance aussi des travaux pour fortifier la ville, avec la place forte de Goryokaku, selon des plans inspirés par ceux de Vauban.
– Ha, j‘ai failli attendre, quand même !
« L’alliance de la fleur de cerisier traditionnelle et du symbolisme géométrique précurseur de la ligne Art déco. »
– La bataille finale de la guerre de Boshin se joue dans la ville d’Hakodate, le principal port d’Hokkaido. Entre décembre 1868 et juin 1869, 3 000 soldats du shogunat tiennent le siège face à 7 000 hommes de l’empereur, qui disposent en plus d’un armement largement supérieur. Malgré une belle résistance, ils ne peuvent éviter la défaite. Cette victoire de l’empereur marque le début de l’ère Meiji, dont l’une des manifestations les plus concrètes est l’installation de la capitale à Edo, rebaptisée la capitale de l’est, soit Tokyo, en 1869.
– Et Brunet ?
– Il va sans dire qu’il est activement recherché par les autorités impériales, mais il parvient à rejoindre le navire français Coëtlogon, qui se trouvait opportunément dans le coin, et l’emmène d’Hokkaido à Saigon. De là, il rentre en France. Le Japon demande qu’il soit châtié. Le gouvernement français fait mine d’acquiescer, mais se contente de lui adresser un blâme avant de le réintégrer.
– Ce serait dommage de se priver d’un tel élément.
– Je ne te le fais pas dire. Jules rentre dans les rangs juste à temps pour prendre part à la guerre contre la Prusse, dès fois qu’il s’ennuie. Il est fait prisonnier lors du siège de Metz, mais est libéré suffisamment rapidement pour prendre part à la répression de la Commune de Paris.
– Merde, Jules…
« Oui ben j’aimerais bien gagner, pour changer. »
– Il poursuit ensuite un beau parcours, devenant général, commandeur de la Légion d’honneur, puis chef de cabinet de Chanoine, promu ministre de la Guerre en octobre 1898.
– Je pense qu’à ce moment les Japonais vont comprendre qu’on n’a pas vraiment brisé sa carrière.
– L’eau coule sous les ponts à Tokyo aussi. De son côté, Enomoto Takeaki est pardonné et devient vice-amiral de la flotte japonaise. Il convainc le gouvernement de pardonner Brunet, et même de le décorer. Jules est ainsi nommé grand officier du trésor sacré du Mikado, et reçoit l’ordre du Soleil Levant.
– On peut en conclure qu’ils ne lui en veulent plus.
– De fait. Jules Brunet meurt en 1911, et je pense qu’il ne devait pas y avoir des masses d’officiers français à avoir combattu les Mexicains, les Japonais, et les Prussiens.
– Sans doute. Mais dis donc, un officier étranger venu au Japon pour entraîner des troupes aux armes modernes et qui décide de se ranger aux côtés des samouraïs traditionalistes contre l’Empereur, on pourrait en faire un film, non ?
– Ha ha, gros malin. Ben oui, évidemment, on pense au Dernier Samouraï, le film de Zwick sorti en 2003.
Après, Tom a décidé d’arrêter les films d’action. Plus de son âge, vous comprenez.
Certes, l’action du film se déroule en 1877. Ce n’est donc pas l’histoire de la guerre de Boshin, mais celle de la rébellion de Satsuma, la dernière offensive de samouraïs contre l’autorité impériale, qui est alors pleinement rétablie. De la même façon, le capitaine Algren vient lui pour entraîner les troupes impériales, et se rallie aux samouraïs après avoir fait prisonnier par ces derniers. Pour autant, évidemment, Jules Brunet, qui est beaucoup plus connu au Japon que par chez nous, a été l’une des principales inspirations du personnage. Ce qui n’a évidemment pas empêché les offensés professionnels de crier à la fiction fantaisiste conçue en dépit de la réalité historique pour insérer de force un personnage occidental dans une histoire japonaise et « laver blanc ».
– Alors pour le courrier, vous spécifiez bien « à destination de Sam », ok ?
– Tu n’as pas d’honneur, suppôt Meiji.
– Bon. Et sinon, la version longue ?