Hedy Lamarr, torpille sexuelle – suite

Hedy Lamarr, torpille sexuelle – suite

Deuxième partie : Hedy part en guerre (première partie ici)

– Bon ben Hedy a trouvé sa place à Hollywood, tout va bien pour elle.

– Que non. Elle n’apprécie pas plus que ça de n’être qu’un physique, allant jusqu’à dire que n’importe quelle fille peut être glamour, puisqu’il suffit de rester immobile et d’avoir l’air idiote. Et puis elle s’ennuie. Alors qu’elle fréquente Howard Hugues…

– Elle sort avec Howard Hugues ?

– C’est une star d’Hollywood, évidemment qu’elle sort avec Howard Hugues, enfin ! Alors qu’elle fréquente Howard Hugues, donc, il l’encourage à bidouiller et inventer.

– Hé hé, tu m’étonnes…

– Nan, à bidouiller et inventer dans son atelier. Elle travaille d’abord sur une forme de soda lyophilisé (une tablette qu’on n’aurait plus qu’à mettre dans l’eau), mais ça marche moyen.

– Dommage. A ce propos ?

– La même chose, merci. Elle ne s’arrête pas là, et se penche ensuite sur la biologie des oiseaux et des poissons. A partir de quoi elle fait à Hugues diverses propositions, qu’il retiendra, pour améliorer la conception de ses avions. Notamment en matière de positionnement et de formes des ailes.

– Eh ben, pas mal pour une fille qui aurait pu se contenter de rester immobile en ayant l’air idiote.

Elle aurait pu.

– C’est pas tout. Hedy n’oublie pas l’Europe, qui connait au début des années 40 une période, disons, difficile. Elle est notamment marquée par les destructions de paquebots civils par les sous-marins allemands, et décide de partir en guerre contre la Kriegsmarine.

– Comme ça, toute seule ?

– Non, pas exactement, elle embarque un pianiste.

– Quoi ?!

– Je t’explique. Hedy voudrait mettre au point un système de guidage pour torpille. Histoire de couler les sous-marins. Si tu y réfléchis deux minutes, tu vas me dire…

– On pourrait faire des torpilles radio-commandées.

– Exactement, bravo. Sauf que la radio présente un inconvénient. Comme tous ceux qui essayaient d’écouter la BBC entre 40 et 44 peuvent en attester, les ondes radios peuvent être brouillées, perturbées, piratées, et autres choses en « ées ». Il faudrait donc un système de communication protégé, et susceptible d’être embarqué dans une torpille.

– Uh, va me falloir plus de deux minutes, là.

– Ne va pas te faire mal. Hedy connaît un peu la question, puisqu’elle a fréquenté un certain industriel de l’armement proche des nazis, et qu’elle s’est un peu intéressée à ce qu’il faisait dans ses usines. Elle se dit qu’il faudrait un système de guidage radio, mais avec des changements de fréquence rapides et fréquents, pour que l’ennemi ne soit pas en mesure de le perturber. Ce qu’on appelle les sauts de fréquence (frequency-hopping signal) et l’étalement de spectre (spread spectrum). Elle n’est pas la première à avoir l’idée, puisque le premier brevet à parler d’étalement de spectre été accordé en 1903 à…?

– Euh…

– Allez, un inventeur génial qui a eu plus d’idées que nous de tournées, y compris pour faire péter des trucs ?

– Mmm…Tesla ?

– Tout juste.

– Oui mais bon, c’était facile. Avec Tesla on gagne une fois sur deux.

– Certes. Toujours est-il qu’Hedy, soit qu’elle en ait déjà entendu parler soit qu’elle refasse le raisonnement toute seule (c’est ma version et je n’en démordrai pas), en parle à un ami, George Antheil, pianiste de son état et lui aussi inventeur du dimanche. Il suggère alors de s’inspirer des pianos mécaniques, en installant des systèmes synchronisés dans l’émetteur et le récepteur (la torpille) afin de procéder aux changements de fréquence selon une même séquence. Et donc de maintenir la communication entre les deux, tout en la protégeant de l’extérieur. Je te rappelle que nous sommes à une époque qui ne connaît pas l’ordinateur (oui, on va pas installer une machine de Babbage dans une torpille), donc le piano mécanique à carte perforée c’est un peu la pointe de la robotique.

– C’est carrément pas con.

– Hedy et George mettent leur idée au propre, et déposent une demande de brevet à l’été 41. Il est officiellement validé et enregistré environ un an plus tard. L’invention est libre de droits, et mise à la disposition de l’armée.

Pour les non-ingénieurs, ça dit : torpielle + U-Boot = BOUM !

– C’est la marine qui a dû être contente.

– Mmm, non. La guerre c’est du sérieux, alors quand une actrice glamour se pointe, accompagnée d’un musicien, pour proposer de mettre des pianos mécaniques dans les torpilles, on lui explique qu’elle est bien mignonne mon petit, mais que si elle veut participer à l’effort de guerre elle ferait mieux de soutenir le moral des boys et de vendre des bons de guerre. Ce qu’elle fit avec application, d’ailleurs.

– Les glands. Ou c’est peut-être que l’idée n’est pas si bonne ?

– Bien au contraire. Le brevet est classé secret défense, et l’armée commence à travailler dessus une dizaine d’années plus tard, mais sans rien dire (ils sont notoirement pudiques, les militaires). Elle ne commence vraiment à l’exploiter que dans les années 60, une fois l’exclusivité tombée, ce qui prive Hedy de toute reconnaissance à l’époque.

– Donc ça marche ?

– Ca marche tellement bien que tu en as en quelque sorte dans ta poche. Le frequency-hopping est utilisé pour les communications satellites, les téléphones portables, le Bluetooth, le Wifi, le GPS, et j’en passe. Une fois encore, on ne peut pas dire que l’idée vienne d’Hedy toute seule, mais sa contribution est réelle, au point d’être reconnue par les experts du secteur. Même s’il faudra malheureusement attendre 1997 pour qu’elle en bénéficie, puisqu’elle reçoit alors le Prix des Pionniers de l’Electronic Frontier Foundation. En 2014, Hedy Lamarr et George Antheil sont même admis au National Inventors Hall of Fame. En 2015, elle a droit à son Doodle le jour des 101 ans de sa naissance (à retrouver, même si en gros ça vous raconte la même chose en moins bien, ici). Malheureusement, ces deux derniers hommages sont posthumes.

– C’est un peu tard.

– Je ne te le fais pas dire. Surtout que depuis les années 40, les temps ont été difficiles pour elle.

– Ah, merde alors.

– Pour faire les films qu’elle veut, elle claque la porte des studios et devient productrice, mais se prend des fours. Elle triomphe encore une fois dans Samson et Dalila (elle c’est Dalila) de Cecil B DeMille, mais elle enchaîne ensuite des productions au succès moyen. Elle tourne son dernier film en 1957. A côté de ça, sa vie personnelle est assez calamiteuse. Elle sera mariée en tout 6 fois (dont la dernière avec l’avocat qui s’était occupé de ses précédents divorces), mais aucun mariage ne tient plus 7 ans. Elle finit sa vie seule.

– Mais, enfin ?!

– Par ailleurs, et comme plusieurs de ses consœurs, elle bénéficie pendant sa période hollywoodienne d’un « traitement » médical spécialement conçu pour lui permettre de tenir le rythme infernal des tournages (elle apparaît dans une quinzaine de films pendant les 7 ans de son contrat MGM). Un traitement plus connu aujourd’hui sous le nom de méthamphétamine. Elle se drogue pour être en forme pendant la journée, et doit donc s’assommer de somnifères pour dormir. Ca abime. Comme beaucoup d’autres stars de l’époque, elle devient par la suite patiente/cliente du « Docteur Feelgood », qui continue à lui procurer les produits dont elle a besoin. Ajoute à ça, l’âge venant, des opérations de chirurgie esthétique plus ou moins bien inspirées…

– Nan, je veux pas le savoir.

– Tu as raison. On va donc rester sur la femme qui était à la fois la plus belle actrice du monde et une pionnière des technologies de communication.

C’est complètement idiot ce fil.

– Mais attends, t’avais pas aussi parlé d’une étoile super-massive ?

– Ben si.

– Alors ?

– Mais…une étoile, une star, quoi. Une super-star.

– Haaaaan.

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