L’astronomie, à vos risques et péritios
Il y a peu, mon excellent comparse vous racontait comment fut découvert, par hasard, le rayonnement fossile du fond diffus cosmique, autrement dit ce qui reste de la lumière émise par le Big Bang il y a quelques 13 milliards d’années. Pour rappel, il s’agit du reste du rayonnement thermique produit par le tout jeune cosmos environ 380 000 ans après son apparition, et qui depuis, du fait de l’expansion de l’univers, ne représente plus que 3 Kelvin environ, soit -270 degrés Celsius. Ce que les scientifiques appellent également « froid sa mère, mais pas encore le zéro absolu ».
Ce rayonnement électromagnétique était initialement très chaud et très lumineux. Il est devenu très froid, et de la même façon beaucoup moins lumineux : avec l’expansion de l’univers, la longueur d’onde des photons qui le traversent s’allonge elle aussi. Un allongement de la longueur d’onde correspond à une diminution de l’énergie de cette onde. C’est ainsi qu’on est passé avec le temps de la lumière visible aux infra-rouges, puis aux micro-ondes.
Et ce sont ces micro-ondes qui furent observées en 1964 par Arno Penzias et Robert Wilson. Je vous renvoie une fois encore au papier de Jean-Christophe pour avoir l’histoire précise et complète, mais retenons qu’ils ont d’abord pensé que le signal inconnu qu’ils recevaient était peut-être dû à des parasites divers, notamment la présence de pigeons dans leur antenne. Après avoir mené des investigations et vidé quelques cartouches, ils purent confirmer que non, ce qui leur permit de mettre bel et bien le doigt sur le fonds diffus cosmique, une découverte cosmologique majeure.
Ce qui signifie que pendant un moment, les résultats de leurs études pouvaient aussi bien s’expliquer par l’un des aspects fondamentaux de la création de l’univers observé plus de 13 milliards d’années plus tard, ou à des fientes d’oiseaux. Entre recevoir un prix Nobel et devenir la risée des laboratoires, à quoi ça tient…
Ce qui m’amène à vous raconter une autre histoire similaire.
En 1998, l’équipe du radio-observatoire de Parkes, en Australie, détecte des pics d’émission radio d’origine inconnue. Ils sont très brefs, intenses, et se produisent deux à trois fois dans l’année. A l’époque, rien ne permet d’en identifier l’origine, et plusieurs théories sont élaborées, notamment que ces ondes sont produites quand des étoiles à neutrons s’effondrent en trous noirs. Quelque chose d’assez cataclysmique. Et ces phénomènes sont alors baptisés péritios, du nom d’une créature fantastique mi-cerf mi-oiseau imaginée par Luis Borges.
Parce que les étoiles à neutrons ressemblent plutôt à des cerf et les trous noirs à des oiseaux, sans doute, je ne suis pas astronome.
L’histoire ne dit pas s’ils sont allés vérifier la présence d’animaux ou de leur déjections dans les antennes (exercice par définition hautement périlleux parce que l’Australie), mais ils ont continué à accumuler les observations pendant 17 ans pour tenter de percer ce mystère.
Au fil du temps, il est apparu que ces phénomènes se produisaient pendant la journée, et que leur source était beaucoup plus locale qu’initialement envisagée : on ne parle plus de galaxies lointaines, mais de quelques kilomètres. D’où de nouvelles hypothèses à partir d’interférences liées à la foudre. Des émissions diurnes de foudre, quoi.
Jusqu’à ce qu’en 2015, un nouvel appareil de mesure permette de déterminer précisément la fréquence d’un péritio (vous vous dites que c’est pas compliqué, mais on parle de mesurer précisément un événement de quelques microsecondes, qui se produit on ne sait pas quand, depuis on ne sait pas où), soit 2.4 Gigahertz. Ce qui correspond exactement à celle…d’un four micro-onde. Il se trouve tout simplement que lorsqu’un employé de l’observatoire ouvrait la porte du four avant la fin du décompte, ce qui nous est tous arrivé…
…et que l’antenne était pointée dans cette direction, elle enregistrait une émission par définition brève mais intense de micro-ondes. Qui ne trouvait pas son origine dans une collision cosmique à des millions d’années-lumière, ni même à la foudre et ses millions de volt, mais à ce gland de Jerry dans le bureau d’à côté, qui faisait réchauffer son café.
Nos sources indiquent que le Comité Nobel est mitigé.
2 réflexions sur « L’astronomie, à vos risques et péritios »
Je m’en veux d’avance d’être désagréable mais j’ai repéré en début d’article une boulette assez courante qui déclenche ma maniaquerie sur les unités : si on parle de degrés Celcius ou Farenheit, le Kelvin est le nom direct de l’unité, sans degré. Le rayonnement dont il est question a une température de 3 Kelvin. Ceci étant dit l’article est une fois de plus captivant, merci pour ce site, une mine de savoir !
Ca n’est certainement pas désagréable, au contraire, puisque je dois avouer que je l’ignorais. Je corrige et je vais essayer de le retenir, merci. Et merci.