Les valeurs de Mlle Adams

Les valeurs de Mlle Adams

– Mais siiiii, allez, viens.

– J’ai pas envie, ça me dit rien.

– Tu as tort, ça va être bien. Toute une nuit de rétrospective, une programmation de haute volée.

– Pffff, ça va être assommant.

– Pas du tout, rien que des classiques. Allez, quoi.

– Nan !

– Mais pourquoi, enfin ? Donne-moi une bonne raison.

– Euh…le noir et blanc m’ennuie. Voilà. J’aime pas ça. Dans les films récents c’est prétentieux et pédant, dans les anciens films c’est moche.

– Comment tu peux dire ça ? Tu adores les films noirs !

– Oui ben ça ne m’empêche pas de regretter qu’ils n’aient pas été tournés en couleur.

– Mais le noir et blanc, c’est le travail sur les ombres et les lumières porté à son sommet, le degré ultime de composition des plans.

– Un divertissement sensationnaliste bon marché, voilà tout.

– Tu penses t’en sortir par une sentence caricaturale à l’emporte-pièce ?

– Non. Je pense m’en sortir avec le jugement autorisé d’une référence du milieu.

– Tu veux dire pas là que tu cites ?

– Absolument.

– Et qui donc ?

– Peter Pan.

– Peter Pan ?

– Oui, Peter Pan. Le pays des songes, l’enfant qui ne voulait pas grandir…

– C’est bon, je vois qui est Peter Pan. Tu n’as vraiment rien trouvé de mieux que de me dire que Peter Pan n’aimait pas les films en noir et blanc ?

C’est PARFAITEMENT limpide si vous voulez bien vous donner la peine de suivre.

– C’est authentique. Bon alors pour être tout à fait honnête, elle parlait de films en noir et blanc et muets.

– Elle ?

– Ben oui.

– Peter Pan ?

– C’est usant cette façon de répéter tous mes propos comme si je racontais n’importe quoi.

– Entre nous tu me donnes de quoi faire. Tu es quand même en train de me dire que Peter Pan était une fille.

– Mmm…oui. D’accord, pas le personnage tel qu’il a été écrit, mais si tu penses Peter Pan, la façon dont il se présente à ton esprit, c’est une femme. C’est une femme qui a établi ce à quoi ressemble Peter, servant de modèle pour le dessin animé Disney qui arrivera bien plus tard, et qui a fixé l’image du gamin volant jusqu’à aujourd’hui.

– Et elle avait quelque chose contre le noir et blanc.

– Pas qu’un peu, puisqu’elle a été jusqu’à moderniser la conception des éclairages et à imaginer de nouveaux modèles d’ampoules pour améliorer la lumière des plateaux ciné et théâtres. Et à bosser sur les premières pellicules couleurs.

– Uh, pas mal.

– Tout en étant l’actrice dramatique la plus célèbre de l’époque et en montant des spectacles d’une ampleur inédite.

– Tout ça c’est la même personne ?!

– Oui. Et pourtant tu n’en as sans doute jamais entendu parler.

– Dis voir.

– Maude Adams ?

– Je confirme, inconnue au bataillon.

– Pour l’état-civil, c’est Maude Ewing Adams Kiskaden, Kiskaden est le nom de famille de son père, c’est d’origine écossaise, et Adams est le nom de jeune fille de sa mère. Qui est elle-même actrice. Maude voit le jour à Salt Lake City le 11 novembre 1872. Sa maman ne perd pas de temps pour la recruter comme second rôle. Enfin je pense qu’on peut même parler d’accessoire scénique plus que de rôle, puisque la petite Maude fait ses débuts sur scène à deux mois, dans une pièce intitulée Le bébé perdu.

– Faut croire qu’il remette la main dessus à la fin.

– Pour être honnête je n’ai pas étudié la pièce. Tu sais, moi, tant que ce n’est pas au répertoire de la Comédie française…

– Bien entendu.

– Elle est à nouveau sous les feux de la rampe, toujours dans les bras de maman, à neuf mois. Sans surprise, elle choisit très rapidement de suivre la vocation maternelle, en dépit des objections de son père qui disparaît alors qu’elle est encore jeune. La famille déménage à San Francisco, et la jeune Maude y intègre une troupe à l’âge avancé de 5 ans. Elle accompagne sa mère qui tourne dans tout l’ouest des Etats-Unis, faisant largement l’impasse sur l’école. A 10 ans, c’est à New York qu’elle monte sur scène. A 20 ans, elle a joué dans 26 pièces, et on ne parle pas des kermesses de fin d’année.

– Impressionnant.

Nous, à 20 ans…oui bon ce sont des époques différentes, on peut pas comparer !

– En 1889, Maude fait la connaissance du producteur Charles Frohman, qui prend sa carrière en main, et la fait notamment jouer avec John Drew, une star majeure du théâtre de l’époque. Les spectateurs viennent pour voir Drew, ils ressortent impressionnés par Maude. Lors de la première du Bal Masqué en 1892, elle a droit à une ovation de 2 minutes et 12 rappels.

– Ohé ohé !

– La scène dans laquelle elle joue l’ébriété la rend célèbre. Harpers Weekly prédit que rien ne l’empêchera de devenir la figure de proue de la comédie en Amérique. Et de fait, elle passe 5 ans à tenir les premiers rôles féminins dans la compagnie de Drew, ce qui en fait définitivement une actrice reconnue. Mais c’est grâce à un autre qu’elle va devenir la référence de son époque pour les critiques comme le public.

– Qui donc ?

– James Mathew Barrie.

– Ca me dit vaguement quelque chose.

– Barrie est un romancier et dramaturge écossais, auteur notamment en 1891du roman Little Minister.

Vous le reconnaissez ? Non ? Attendez…

Frohman cherchait depuis des années à convaincre l’auteur de l’adapter en pièce, mais Barrie n’était pas chaud. Il n’était pas convaincu qu’on pouvait trouver une actrice en mesure d’interpréter le rôle de Lady Babbie.

– Uh, quel singulier concours de circonstances, je me demande si…

– Lors d’un séjour à New York, Barrie assiste à une représentation de la pièce Rosemary, produite par Frohman et dont Maude joue le rôle tire. Il est convaincu d’avoir trouvé sa Babbie.

Rosemary. Babbie. Vous aussi vous commencez à voir les liens.

Le livre est donc adapté, en apportant plusieurs modifications afin de renforcer ce rôle. Le spectacle est créé en 1897 à l’Empire Theater de New York, qui appartient à Frohma. Détail important, Maude réarrange pour l’occasion l’éclairage du théâtre, afin de créer l’atmosphère lumineuse adaptée. C’est un triomphe, avec 300 représentations et des records de recettes. La pièce fait de Maude une star, elle se fait encore rappeler parfois plus d’une dizaine de fois par soir.

– C’est d’un pénible quand tu as des projets pour la deuxième partie de soirée.

– Ne m’en parle pas. Maude joue ensuite Juliette dans Roméo et Juliette en 1899, et pour cette production Frohman lui confie une grande partie de la technique. La critique n’est pas retournée, mais le public est au rendez-vous. L’année suivante, elle est de l’adaptation à New York de l’Aiglon, la pièce d’Edmond Rostand dans laquelle vient de triompher Sarah Bernhardt. C’est un premier point commun entre elles. Comme Sarah, et pour la première fois en ce qui la concerne, elle joue le premier rôle, celui du titre, à savoir le duc de Reichstadt. Autrement dit Napoléon II, le fils de…son père.

– Est-ce qu’il vaut mieux avoir le premier rôle dans une pièce sur Napoléon II, ou un second rôle dans une pièce sur Napoléon Ier ?

– Il aurait fallu lui demander. Maude se rend à Vienne pour faire des recherches et repérages, et supervise le décor, l’éclairage, et les costumes.

Elle n’aurait pas pu atteindre ce degré de finition depuis New York.

Ca marche correctement, mais rien d’époustouflant. En 1901, Frohman et son actrice vedette s’attellent à une nouvelle adaptation de Barrie, Quality Street.

Détail amusant, la production commande beaucoup trop d’objets promotionnels. Les énormes stocks sont encore écoulés de nos jours.

Le succès de Maude auprès du public ne se dément, mais ce n’est encore rien. En 1904, Barrie publie son œuvre maîtresse, d’abord sous forme de pièce (la version roman ne sortira qu’en 1911). L’histoire d’une bande de gamins dans un monde enchanté, mené par un garçon qui refuse de grandir.

– Peter Pan ?

– Lui-même.

– Je savais que ce Barrie me disait quelque chose.

Et comme ça, ça vous revient ?

– La pièce est créée à Broadway en 1905, et c’est Maude qui endosse le rôle de Peter. Elle conçoit son costume, qui devient LA représentation de Peter Pan. Au point que le « col Maude Adams » ou « col Peter Pan » est pendant un temps une tendance de la mode américaine.

Mais malheureusement pas la flute de Pan.

DE PAN. TOUT SE TIENT

C’est un énorme carton. Maude joue Peter sur scène à plus de 1 500 reprises. Son cachet atteint 20 000 dollars par mois. Ca fait plus de 650 000 au cours actuel.

– Quand une actrice de théâtre commence à être aussi bien payée qu’un joueur de foot, c’est qu’on tient une authentique star.

– Le succès de la pièce tient évidemment à l’interprétation de Maude, mais aussi à son travail sur la technique. Dès les années 1890, Maude s’intéresse à la production des spectacles, en particulier aux questions d’éclairage. Les premières ampoules électriques pour l’éclairage théâtral ont été mises en place par la Compagnie Edison en 1879. Elles remplacent progressivement les lampes au gaz ou au kérosène, mais à l’époque où Maude acquiert sa célébrité nationale la transition est toujours en cours. Les filaments étaient très fragiles, ce qui interdisait de les déplacer. En outre ces éclairages électriques dégageaient une intense chaleur et leur éclat avait tendance à noyer les couleurs des décors, costumes, et visages.

– C’est un peu gênant.

– Je te ne te le fais pas dire. Dès les années 90, Maude travaille avec des techniciens et ingénieurs sur des dispositifs d’éclairage de scène électriques, afin de remplacer complètement les lumières au gaz. Pour limite les reflets, elle utilise pour les costumes et décors des textiles traités pour ne pas réfléchir la lumière. Autant d’innovations qui seront cruciales pour le succès de Peter Pan, dans lequel les acteurs s’envolent, au moyen de cordes et poulies qui doivent rester cachés à la vue des spectateurs, sur un fond de lune et d’étoiles qui doivent elles être visibles.

– Le spécialiste que je ne suis pas se dit que ça ne doit pas être évident.

– Non. Pour le dire autrement, la contribution de Maude à la dimension technique est réelle et significative. Et puis elle commence à se prendre pour Peter Pan dans le meilleur sens du terme, puisqu’elle distribue généreusement des billets pour les représentations auprès d’enfants défavorisés.

– Classe.

– Ca ne s’arrête pas là, elle va jusqu’à compléter les salaires de ses collègues de troupes dont elle considère qu’ils en sont pas assez payés.

– Je veux la même au bureau.

– Il faut dire qu’elle devient de son côté l’actrice la plus cotée du pays. Avec le succès de Peter Pan et les projets qui vont suivre, ses revenus atteignent le million de dollars annuels.

– C’est quoi les projets qui suivent ?

– Il y a d’abord une nouvelle pièce de Barrie, parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne : What every woman knows en 1908. Et puis Maude veut soutenir l’enseignement supérieur. Elle monte des représentations sur des campus pour en reverser les profits aux facs. Mais on ne parle pas d’un petit spectacle au foyer des étudiants.

– J’imagine.

– Non, j’en doute. En 1908, elle aménage le plus grand amphi d’Harvard en scène pour y jouer du Shakespeare. Elle prend en charge tous les frais, et les profits vont à la fac de lettres. Le spectacle est repris, à une un peu plus petite échelle, à Yale. Mais ça n’est qu’un échauffement. L’année suivante, elle lâche les chevaux.

– C’est-à-dire ?

– Elle…lâche des chevaux, littéralement. Maude se lance dans une production de Jeanne d’Arc, sur la base de la Pucelle d’Orléans de Schiller, à Harvard. C’est un spectacle grandiose qui rassemble 1 400 acteurs, 200 chevaux, plus des moutons. Avec des changements de décors, notamment une cathédrale et une forêt, et des charges de cavalerie menées par Maude elle-même. Plus un orchestre. Le tout se joue dans le stade de football d’Harvard devant 15 000 spectateurs Les autorités locales sont obligées de réguler le trafic pour gérer les flux. Ce n’est plus du théâtre, c’est du son et lumière, et à une échelle inédite. Maude passe des semaines à s’entraîner à l’équitation en armure, et à habituer sa monture à toutes sortes de bruits forts pour la préparer au fracas de la scène. Et puis c’est un rôle qui lui va bien.

– Comment ça ?

– Elle est devenue une figure publique, ainsi qu’une icône de la mode. Elle est donc très scrutée, et des journaux comme le San Francisco Chronicles consacrent des articles à ses toilettes.

– Whoah, c’est vraiment un choix bizarre ! Ces gens sont tordus.

– Que…non, ses tenues.

– Ah, oui. Je comprends mieux.

– Pour autant, on ne lui connait aucune relation sentimentale. Pour ce que l’on en sait, de ce point de vue, c’est une nonne, et c’est l‘image que s’en fait le public. Donc, la Pucelle, ça tombe bien.

– Tu n’avais peut-être pas besoin d’aller aussi loin dans la préparation du rôle, Maude.

– Alors je te rassure, en réalité c’est qu’elle vit une relation tout aussi durable que discrète avec sa secrétaire particulière, la journaliste Louise Boynton. Mais il n’empêche que ça contribue à son image virginale. Pour en revenir à Jeanne d’Arc, il faut encore souligner la démonstration technique que constitue ce spectacle. Il y a à la fois des effets de lumière qui permettent de focaliser l’attention du public sur tel ou tel point du plateau sur lequel se situe l’action, et d’autres qui ne sont visibles que des acteurs pour leur donner des instructions et repères. Il y a plus de 200 assistants qui se chargent des changements de décors et de costumes, et s’occupent des animaux. En plus d’être la plus grande vedette de son temps, Maude devient la créatrice de spectacle la plus en vue du moment. Ultime consécration et deuxième point commun avec Sarah Bernhardt, Mucha lui tire le portrait.

« Les moutons ont QUOI ?! »

Et pour ce qui est des recettes, les profits de Jeanne sont reversés à la fac d’allemand d’Harvard.

– Ca m’aurait fait mal que ça caille à la fac d’anglais !

– Maude enchaîne sur Comme il vous plaira à Berkeley en 1910. Elle propose à nouveau des éclairages innovants, et les critiques comme les spectateurs grimpent aux rideaux. On compare le rendu visuel à des tableaux de la Renaissance. A cette époque, elle a abandonné les éclairages classiques situés sur les côtés et en arche au-dessus de la scène, au profit de dispositifs plus localisés qui mettent en valeur les acteurs et décors. En 1911, elle endosse le rôle dont elle dira que c’est son préféré, celui d’un animal de basse-cour.

– Pardon ?!

– Ben oui. Elle joue un coq, celui qui donne son nom à la pièce de Rostand Chantecler. A nouveau du Rostand, à nouveau un rôle masculin.

– Un rapport avec son image publique ?

– Pas que je sache. A la même époque elle vient passer des vacances par chez nous et apprend le français, mais je ne peux pas te dire si elle a même le moindre contact avec Rostand. Après elle revient à Barrie avec La légende de Léonora en 1914, puis Un baiser pour Cendrillon en 1916.

– Barrie, Rostand, Shakespeare, c’est une fille fidèle.

– Par ailleurs, elle travaille de plus en plus sur la technique. Elle collabore notamment avec Basset Jones, un consultant en électricité et éclairage, entre 1905 et 1915. Ils travaillent à mettre au point des lampes à incandescence adaptées pour le théâtre, dans la mesure où les existantes étaient à la fois pas assez puissantes et trop encombrantes. Ils mettent au point des modèles plus lumineux, petits, et mobiles. Maude conçoit l’éclairage de l’Empire Theater de New York, le théâtre de Frohman. En 1916, elle perd en l’espace de quelques mois sa mère, son producteur Frohman, qui était sur le Lusitania, son costumier, et son régisseur. Elle suspend sa carrière après une dernière série de représentations du Baiser pour Cendrillon, et suit des formations pour participer à l’effort de guerre comme travailleuse. Elle apprend la cuisine…

– C’est bien, ça peut servir.

– Le jardinage…

– Toujours utile.

– Le marketing.

– Très…mais enfin, pour quoi faire ? Elle ne cherchait pas plutôt à se rendre utile ?

– Je ne comprends pas non plus. Elle fait du bénévolat pour la YWCA, une œuvre sociale féministe, et donne des représentations pour recueillir des fonds pour l’effort de guerre. Elle contribue à des œuvres philanthropiques pour recueillir et soigner des soldats blessés mais également de victimes de catastrophes naturelles. Elle collecte des fonds pour construire des théâtres universitaires. En 1919, après une méchante grippe, elle quitte le théâtre pour se focaliser sur la recherche.

– Sur l’éclairage, toujours ?

– Oui, mais pas uniquement. Au début des années 1920, Maude finance une équipe qui a pour objectif de mettre au point des systèmes d’éclairage de plafond pour le théâtre. Leurs travaux sont si prometteurs que des partenariats sont conclus avec General Electric et Eastman Kodak à partir de 1921. Le directeur de GE est impressionné par la maîtrise du sujet de Maude, qu’elle ne doit qu’à son expérience puisqu’elle n’a jamais fait d’études. Pour autant elle a clairement un esprit d’ingénieur, comme une certaine jeune fille qui ne va pas tarder à commencer sa carrière en Autriche au même moment. Maude suggère de travailler sur des filaments en tungstène pour permettre des puissances plus importantes. Ce qui aboutit à la production en 1924 de la plus grande lampe à incandescence de l‘époque.

« A force d’y bosser jour et nuit j’ai chopé une grosse ampoule. »

– Bien joué.

– Cependant le brevet n’est déposé que par GE, et Maude ne reçoit pas pleinement la reconnaissance correspondant à ses inventions et contributions, et surtout pas un rond. Mais elle choisit de ne pas intenter de recours ni procès, en dépit des conseils de ses avocats. Ce qu’elle regrettera plus tard, ne manquant jamais de faire remarquer quand « ses » lampes sont utilisées. Et elles sont amplement utilisées, puisqu’elles deviennent le standard à Hollywood à la fin des années 20 et jouent un rôle déterminant dans le développement des films en couleurs.

– Mais attend, à ce sujet, on doit lui proposer des points d’or pour faire des films, non ?

– Si. Tu penses bien qu’on lui a suggéré d’interpréter Peter Pan à l’écran, mais elle refuse. Elle trouve les films de l’époque moches. Dans une lettre à Barrie en 1920 elle écrit que les films muets et en noir et blanc lui font l’effet d’un divertissement sensationnaliste bon marché. Il faut du son et de la couleur pour susciter des émotions.

Le noir et banc ne rend pas justice à la beauté d’une actr…ok, Maude, faut qu’on parle.

– Donc pas de cinéma pour elle.

– Ah si, sur le principe elle n’est pas hostile. Il faudrait de la couleur. Donc en parallèle de l’éclairage, Maude s’intéresse également aux pellicules. Elle envisage la production de plusieurs films en couleur, notamment Peter Pan, Aladin, et même Kim dont elle acquiert les droits auprès de Kipling en 1923. L’accord spécifiait d’ailleurs que le film devait être tourné en couleurs et en Inde.

– Donc quand la technique de l’époque ne lui permet pas de réaliser ces projets, elle opte tout simplement pour inventer de nouvelles techniques.

– Elle crée des spectacles d’une ampleur inédite et conçoit ses propres technologies, Maude Adams c’est la James Cameron des années 1920. Elle crée la société Maude Adams Productions en 1924 et participe au développement des films en couleur avec Kodachrome et le réalisateur Robert Flaherty. Elle n’est cependant jamais satisfaite du rendu et abandonne ces projets plutôt que de les tourner en noir et blanc. Elle ne tournera donc jamais dans aucun film.

Ses descendants, en revanche…

A la fin des années 20, un projet de société commune entre Maude, GE, et Kodak tourne court dans la mesure où Maude préfère se concentrer sur son retour sur scène, raison pour laquelle c’est GE qui dépose seul le brevet pour un nouveau projecteur en 1931 et 1932. Pour autant ils ont la correction de citer Maude comme première inventrice sur trois des brevets pour la lampe, son système de refroidissement, et le support du filament qui permet au projecteur d’être déplacé. Il y en a en effet tout un ensemble de composants pour composer un dispositif d’éclairage ajustable qui produit un faisceau équivalent à 60 000 candelas pour une puissance de 30 000 watts.

– Le truc qu’il ne vaut mieux pas prendre en pleine face.

– Ca n’est pas recommandé. Maude remonte encore un peu sur scène dans les années 30, cette fois en toute logique avec du Shakespeare. Puis en 1937, à 65 ans, elle devient responsable du département de théâtre au Stephens College de Columbia. L’année suivante, elle est presque convaincue d’accepter un rôle au ciné et fait un bout d’essai filmé, mais finalement c’est non. Elle reste donc enseignante, jusqu’à l’âge de 78 ans. Elle disparaît à 81 ans, et est enterrée dans sa propriété de Long Island, avec Louise Boynton.

– Eh ben on lui doit une fière chandelle.

– Ampoule, plutôt.

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One thought on “Les valeurs de Mlle Adams

  1. Génial, comme d’habitude !
    Et ma proposition de relecture tient toujours : quel dommage, toutes ces fautes qui ne résisteraient certainement pas à un relecteur non impliqué dans l’écriture ! :'(

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