Drakkar scolaire

Drakkar scolaire

Un bon indice de sérieux, en fiction ou en vulgarisation : si vous voyez apparaître le mot drakkar dans n’importe quelle œuvre consacrée aux Vikings, vous pouvez être sûr que quelqu’un n’a pas fait ses devoirs.

Oubliez les drakkars. Aucun Scandinave du Moyen Age n’a jamais foutu un pied sur un foutu drakkar. Et ils ne buvaient pas des crânes. Et non, ils n’avaient pas non plus de casques à corne.

Et puis de toute façon, LES Vikings non plus, ça ne veut rien dire. Enfin disons qu’un viking, c’est bien le pillard ou le guerrier qu’on associe instinctivement au terme MAIS c’est un métier, une occupation d’ailleurs parfaitement saine puisqu’elle consiste à botter des culs au grand air avant de rafler tout le trésor de l’église ou du village avant de se carapater. Il n’y a en revanche pas de peuple Viking, avec une majuscule. Ceux qui ont commencé à les voir débarquer sur les côtes d’Angleterre à partir du 9e siècle ne parlent d’ailleurs pas du tout de Vikings mais de Nortmanni en latin ou de gall (étrangers) en irlandais. Et tout le monde parle de pirates qui vous en mettent plein la tronche.


Image non contractuelle.

Mais revenons à nos drakkars. Le mot, qui n’apparaît qu’au milieu du 19e siècle, n’est que la version française du suédois moderne drake (drekar au pluriel, pour dragons), une référence aux proues sculptées des navires des nordmen, qui pouvaient prendre la forme d’animaux parfois fantastiques, et parfois de dragon (dreki, en vieux norrois). Ni le premier a, ni le redoublement du k n’ont le moindre sens et ça avait le don de rendre dingue Régis Boyer, le pape de la linguistique scandinave en France [1], qui pestait sans doute encore sur ce barbarisme quand il est parti pour le Valhalla [2] en 2017.

Bon, c’est bien joli, me diras-tu en touillant ton café, cher lecteur, mais maintenant qu’on a bien saboté la baraque, on dit quoi si on ne peut plus dire drakkar sans se faire fusiller du regard.

Ben ça dépend. Les bateaux ou les navires nordiques, c’est comme les nôtres, il y a un peu de différence entre le pédalo, le bateau de croisière et le Charles de Gaulle.

Le bateau nordique typique, il porte le même nom que le bon vieux paquet de soupe dans votre armoire : knorr, enfin knörr (ou knarr) parce que ça fait tout de suite plus nordique avec un tréma. Mais tout dépend de la taille, de l’usage… S’il s’agit de désigner les bateaux longs, fins et dédiés à la guerre qu’on s’imagine tout de suite quand on parle de drakkars, ça rentre dans la catégorie des langskips, ou bateaux longs.

Et ça coûte une petite fortune, mais ça les vaut : les lignes du « drakkar », comme sa méthode de construction, sont toujours aussi impressionnantes aujourd’hui. Pour la souplesse, une coque faite de planches qui se chevauchent, rivetées les unes aux autres ; pour la solidité, une longue quille taillée dans un seul chêne ; pour la vitesse, une large voile carrée. Et le tout permet de transporter quelques dizaines de tonnes de matériel et de butin.

Et à l’époque, ça foutait sacrément les chocottes aux habitants des îles britanniques ou des côtes d’Europe continentale : un bateau rapide, léger, maniable capable de remonter les fleuves et les rivières à la rame ou à la voile avant de disparaître avec 50 à 70 guerriers à bord, sans compter quelques chevaux et tout votre pognon, ça pose quelques légers problèmes de défense et de stratégie.


Là, par exemple, c’est le moment d’aller se planquer sous un tas de foin.

[1] Les Vikings, Régis Boyer, Perrin, 2015.

[2] Oui, ça, c’est bon, le concept existe bien dans les sagas. Pour s’y rendre, tournez à gauche au prochain carrefour, mourrez héroïquement sur le champ de bataille, suivez la jeune déesse mineure vierge qui vous tend la main, suivez les panneaux Asgard et visez le centre-ville.

4 réflexions sur « Drakkar scolaire »

  1. Très bon article, comme d’habitude ! Un paragraphe apparait en doublon :
    « Et ça coûte une petite fortune, mais ça les vaut : les lignes du « drakkar », comme sa méthode de construction, sont toujours aussi impressionnantes aujourd’hui. Pour la souplesse, une coque faite de planches qui se chevauchent, rivetées les unes aux autres ; pour la solidité, une longue quille taillée dans un seul chêne ; pour la vitesse, une large voile carrée. Et le tout permet de transporter quelques dizaines de tonnes de matériel et de butin. »

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