Allez Halley – Halley en mer
En préparation d’une petite séquence pendant laquelle il sera question de calendrier et de saisons, je vous propose la première partie de la présentation d’un individu qui mériterait qu’on en parle plus souvent qu’une fois tous les 76 ans.
– […] Non mais tu vois, je ne voudrais pas que ça éclipse mes autres hauts faits. Par exemple, mes prouesses en squash restent largement ignorées.
– Oui, mais ça c’est parce que Vidéo Gags n’existe plus[1].
– J’aurai ta peau.
– Une autre fois. En fait, c’est un peu le même problème que pour Edmond.
– Edmond ? Edmond qui ?
– Halley.
– Ben non, c’est pas la peine de m’encourager, je ne vois pas de quel Edmond tu parles.
– Je parle d’Edmond Halley.
– …
– Edmond c’est son prénom, et Halley c’est son nom.
– Aaaaah… Halley, comme la comète.
– Précisément. C’était un type absolument remarquable, et si ses observations sur les comètes méritaient à elles seules qu’il passât à la postérité, son œuvre est bien plus vaste.
– Ah oui ?
– Carrément. Tiens, on va voir. Je parie qu’en te racontant sa vie, je peux t’impressionner sans même avoir besoin de parler de sa comète.
– Tenu.
– Edmond Halley, ou Edmundus Halleius, parce qu’à l’époque quand on était un savant on se faisait latiniser le nom.
Il est né du côté de Londres, le 8 novembre 1656. Selon lui.
– Comment ça ?
– La date n’est pas connue de façon très précise, et lui disait que c’était le 8 novembre.
-D’après ses souvenirs, j’imagine.
– Sans doute. Il arrive dans une famille assez fortunée. Son père a en effet su tirer un grand profit de la peste.
– Hein ? Salaud !
– Mais non. Il était marchand de savon, et les épidémies avaient suscité chez ses contemporains un vif intérêt pour l’hygiène corporelle.
– Ce qui n’est certainement pas la pire leçon à retenir d’une épidémie de peste.
– Nous sommes bien d’accord. L’avantage de la richesse paternelle est que le petit Edmond peut se consacrer à ses études, et est envoyé dans l’une des meilleures écoles du pays. C’est ainsi qu’il rentre à Oxford à 16 ans. Et il est déjà passionné par l’astronomie. Un intérêt qui a sans doute été suscité, de façon prémonitoire, par les passages en 1664 et 1665 de deux comètes dans le ciel terrestre. Que les contemporains d’Halley ne manquent pas de rendre responsables d’une nouvelle épidémie de peste et du Grand Incendie de Londres en 1666.
– Hop hop hop, tu triches ! On a dit pas de comète.
– Pardon. Mais le fait est qu’il s’intéresse à l’astronomie. Au point de repérer en 1675 des erreurs dans les tables officielles de positions de Jupiter et Saturne. Alors il décide d’écrire à l’Astronome royal, premier du genre, John Flamsteed. Et c’est même pas la peine d’essayer, j’ai mis une option sur le nom « Flamsteed » pour un prochain perso.
– Damn. Donc à 18 ans il écrit à l’un des scientifiques les plus éminents du royaume pour pointer des bourdes.
– Voilà. Mais bien lui en a pris, Flamsteed est plus impressionné qu’autre chose, et le soutient notamment pour qu’il publie son premier article dans la revue de la Royal Society l’année suivante. Edmond en profite pour quitter l’université avant d’avoir fini ses études.
– Mais enfin, c’est pas très sérieux ça jeune homme.
– C’est assez sérieux, en fait. Flamsteed travaille à l’époque à une carte du ciel de l’hémisphère nord, et Halley propose d’aller faire la même chose pour l’hémisphère sud. Le projet est soutenu par la Royal Society et le roi. En 1676, Edmond s’embarque donc pour l’île de Sainte-Hélène. Il y installe un observatoire, et est notamment le témoin d’un transit de Mercure…
– Hein ? Quelqu’un avait mangé du mercure ?
– Non, pas du tout. Enfin à l’époque c’est pas complètement exclu, mais là un transit de Mercure c’est quand Mercure passe directement devant le Soleil depuis la Terre. Ce qui veut dire qu’on peut l’observer[2] comme un petit point qui se déplace sur le Soleil. C’est ce que fait Halley, et ça lui donne l’idée d’une méthode pour mesurer la taille du système solaire, mais il ne prendra jamais la peine de l’appliquer. Il revient en Grande-Bretagne en 1678, et publie l’année suivante une carte du ciel austral qui lui vaut d’être comparé Tycho Brahé, ce qui est une grosse référence pour les astronomes. Pendant qu’il y est, il étudie l’influence de la latitude sur le mouvement des pendules.
Il publiera d’ailleurs en 1686 la suite de ses travaux menés à Sainte-Hélène. Notamment une carte des vents dominants et des moussons. Il identifie également la chaleur solaire comme le principe moteur des mouvements atmosphériques, et établit un lien entre l’altitude et la pression.
– Pas mal. A comparer avec le bilan de la plupart des étudiants qui partent en voyage d’étude.
– Je dirais bien qu’à Sainte-Hélène il ne devait pas avoir grand-chose d’autre à faire, mais tu as raison. Sachant qu’il passe pas mal de temps à observer la Lune. Par ailleurs, en 1680, il prend un bateau pour la France, et observe une comète…
– Attention !
– Mais on en parlera une autre fois.
– Mieux.
– En 1690, Edmond invente un truc.
– Ha ha, quoi donc ?
– Une cloche.
– Tu te moques. Les cloches existaient depuis bien longtemps.
– Une cloche de plongée.
C’est un ingénieux système, dont il réalise un test dans la Tamise en 1691. Halley se met lui-même à la baille (ce qui n’est pas forcément une bonne idée), avec cinq camarades. Ils plongent à près de 20 mètres, et y restent une heure et demie.
– C’est loin d’être ridicule.
– D’autant qu’il améliorera l’ensemble quelques années plus tard, pour disposer d’une autonomie de quatre heures. Et pendant qu’il y est, il découvre aussi le concept de barotraumatisme otitique, c’est-à-dire qu’il se tape un traumatisme de l’oreille, en l’occurrence de l’oreille moyenne, dû à la pression.
– Il aurait dû inventer aussi les paliers de décompression.
– C’est ça. C’est pas tous les jours facile d’être un pionnier. On continue avec les histoires de flotte ?
– Parce qu’il y a d’autres catégories ?
– Ah oui. On y reviendra. En novembre 1698, la Couronne lui confie le commandement d’une pinque (c’est un bateau), le Paramour, pour aller mener des observations scientifiques en mer, en particulier sur les variations des compas et le magnétisme terrestre.
– Une expédition océanographique.
– Non. LA PREMIERE expédition océanographique.
– Ah, d’accord, ça aussi.
– Et oui.
– Et ça passe comment ?
– Pas bien. Après quelques mois, il est confronté à d’importants problèmes d’insubordination, qui le forcent à rebrousser chemin et à revenir en Angleterre en juillet 1699. Les officiers du bord refusent d’obéir à un civil. Edmond ne se démonte pas : il demande qu’ils soient jugés, mais il trouve le verdict trop clément. Surtout, il reçoit de la Royal Navy un titre de « capitaine temporaire », et reprend la mer dès le mois d’août.
Et il a bien fait d’insister. Halley parcourt l’Atlantique entre les 52èmes parallèles Nord et Sud, et dessine une carte précise de la déclinaison magnétique, c’est-à-dire l’écart entre le nord magnétique et le nord géographique sur un point donné du globe. Il étudie également les vents, et met au point une carte météo, dans laquelle il introduit des symboles qui sont toujours utilisés dans les cartes météos modernes (isogones). Et puis il observe aussi les poissons, et imagine une méthode pour les conserver. Enfin, il découvre l’île de Géorgie du Sud, dans l’Atlantique du même nom, Sud, mais ne perd pas de temps à en prendre possession (c’est Cook qui s’en chargera plus de 70 ans plus tard).
A suivre : Edmond le géologue, et Edmond l’astronome.
[1] Euh, vous confirmez, ça n’existe plus ?
[2] Pas directement ! On n’observe pas le soleil directement, sauf à être profondément crétin.
10 réflexions sur « Allez Halley – Halley en mer »
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