Le joli temps des colectomies

Le joli temps des colectomies

– Alors, ça va mieux ?

– Mieux, c’est le mot. C’est pas encore tout à fait ça. Mine de rien, ça tabasse.

– Mais quelle idée, aussi.

– Euh, j’ai rien demandé moi.

– Quand même, l’appendicite ça se fait jeune.

– Ca te va bien de dire ça ! A quel âge tu t’es fait retirer les dents de sagesse ?

– Ce n’est un secret pour personne que même à 30 ans j’étais très très loin d’être sage. Si ça ne tenait qu’à ça j’attendrais sans doute encore.

– Tu prêches un convaincu. Mais sinon on peut parler de l’âge avancé que tu as attendu pour déclarer une mononucléose. LA maladie d’ado par excellence.

– Oui, bien sûr, parce qu’on se souvient tous que le lycée c’était le festival permanent de la galoche.

Et puis le diagnostic n’est pas facile.

– Eh ben moi j’ai fait une appendicite un peu plus tard que la moyenne, voilà, c’est tout.

– Tant que ça va mieux.

– Cela dit, entre nous, j’ai tendance à penser qu’on attend toujours trop.

– Comment ça ?

– Ben franchement, explique-moi de l’intérêt de conserver un truc qui ne sert à rien ? Tu vas me dire que tant que ton appendice ne pose pas de problème ça n’avance à rien de l’enlever.

– Alors je…

– Mais puisqu’au mieux il ne pose pas de problème, au pire il en fait, je serais assez partisan de le virer pour tout le monde dès que possible, allez hop on n’en parle plus.

– Oui enfin quand m…

– Quoi, les risques chirurgicaux ? Attends, on est au 21e siècle, ça va.

– Attends attends, stop. Déjà, oui, ça reste une opération chirurgicale, c’est pas neutre. Ensuite, pour ce qui est de l’inutilité de l’appendice, c’est une idée qui est désormais battue en brèche.

– Ben, puisqu’on peut vivre normalement sans.

– Oui, alors sans même insister sur le fait qu’après tout il est aussi possible de vivre avec un membre ou un œil en moins, tu as un certain nombre d’organes internes qui ne sont pas à proprement parler indispensables pour la survie, il ne faudrait pas en conclure pour autant qu’ils sont inutiles.

– Par exemple ?

– Outre l’appendice, tu as la rate, la vésicule biliaire, le côlon, un rein sur deux, l’estomac…

– L’estomac ? On peut vivre sans estomac ?

– Eh oui. Il y a des patients à qui il faut le retirer, et pour autant ils peuvent continuer à se nourrir normalement, avec des suppléments de vitamines, alors que leur œsophage est directement rattaché à l’intestin. Il est également tout à fait possible de vivre sans ovaires ou testicules, pour autant reconnais que ce sont des organes assez utiles pour l’espèce dans son ensemble.

– Je reconnais.

– Et encore, c’est rien, faut que je te dise un mot de l’hémisphérectomie.

– Ca ne me dit rien qui vaille.

– Il s’agit ni plus ni moins que de l’amputation d’un hémisphère cérébral.

– Mais…euh…ça sert quand même.

– Indubitablement. Enfin, à la réflexion, ça dépend des gens.

– Certes.

– Mais disons que oui, quand même. Pour autant, il peut s’avérer nécessaire d’envisager cette option. L’opération a ainsi été pratiquée pour la première fois en 1923 pour soigner une tumeur. C’est également un traitement contre les formes les plus sévères d’épilepsie. L’hémisphérectomie est anatomique, on enlève tout un hémisphère, ou fonctionnelle, on retire alors des parties de l’hémisphère, et on coupe le tissu qui connecte les deux moitiés. Et à la différence de la lobotomie, ça ne transforme pas les patients en légumes. L’opération a été pratiquée sur des bébés de quelques mois, qui se sont développés normalement par la suite. Quant aux patients qui souffraient d’attaques, ils voient leur qualité de vie s’améliorer significativement. Bon après ça entraîne la perte de l’usage de la main correspondante, ainsi que de l’essentiel du bras et de la vision de l’œil associé. Donc ce n’est pas anodin, mais on peut vivre avec un crâne à moitié vide.

– Je crois qu’il est même possible de recueillir 500 signatures et des intentions de vote.

– Manifestement.

– Et je ne suis même pas certain que nous pensions exactement aux mêmes personnes.

– Possible.

– Y’a du choix.

– Pour en revenir à ton appendice, ne sois donc pas si prompt à le qualifier de vestige qui a perdu toute fonction ou d’organe inutile. Ca peut mal finir ce genre de classification rapide.

– Par exemple ?

– Par exemple tu arraches préventivement les dents de tes propres enfants. Pour leur bien.

– Mais ça va pas bien ?! Qu’est-ce que tu es encore allé chercher comme horreur, un illuminé de la tenaille ? Laisse-moi deviner, c’est encore une histoire d’infirmière psychopathe ?

Psychopathe, psychopathe… pourquoi ne pas plutôt dire qu’elle sait improviser et faire avec les moyens du bord ?

– Illuminé, sans doute, mais tout à fait sérieux et reconnu.

– Oui, j’imagine qu’il est encore question des conséquences absurdes des théories médicales moyenâgeuses.

– Eh bien justement pas. Au contraire.

– Comment ça ?

– On a déjà eu ici l’occasion de mentionner à quelques reprises la fameuse théorie des quatre humeurs, qui a constitué la fondation de la médecine européenne depuis l’antiquité jusqu’à…pas si longtemps. Heureusement, elle finit à partir du 18e siècle par être remplacée par une véritable science médicale, basée sur des choses aussi incongrues que la biologie, l’anatomie, la chimie, ce genre de choses.

– Quelle idée, vraiment.

– On se demande ce qui leur a pris. Seulement la transition ne s’est pas faite sans quelques ajustements et tâtonnements, et ce n’est pas parce que les médecins étaient globalement sur la bonne voie qu’ils n’ont pas pris un certain nombre de chemins de traverse un rien hasardeux. Et ce même de la part des plus brillants d’entre eux.

– La route de l’enfer est pavée de bonnes intentions.

– On peut dire ça. Ainsi, la publication des travaux de Darwin conduit à considérer que le corps humain n’est pas une machine parfaitement conçue du premier coup, mais le résultat d’un processus long et un peu erratique. Il est donc logique que l’on y trouve des processus et organes qui sont devenus inutiles, vestiges d’une fonction passée qui n’existe plus. Cette conception va du coccyx aux amygdales en passant par l’appendice. Ou le côlon.

– Le côlon comme vestige de l’évolution ?

– Oui. Selon cette théorie, avec l’adoption de la posture bipède par les hominidés au cours de l’évolution, la configuration des intestins s’est modifiée du fait de la gravité, conduisant à l’apparition de zones dans lesquels les produits de la digestion stagnent. Typiquement, le côlon, qui ne servirait qu’au transit de…matériaux dont les nutriments ont déjà été extraits.

– Je crois que je vois ce dont tu veux parler.

– Je pense que c’est clair pour tout le monde. Dans les années 1890, le médecin français Charles Bouchard démontre qu’injecter des excréments à des animaux les rend malades, voire les tue.

– On avait bien besoin de mener des études pour ça.

– Faut rien prendre pour acquis. D’où l’idée que le tube digestif constitue la source de nombreuses toxines, et que si elles venaient à pénétrer l’organisme dans ou après le côlon, elles provoquaient certainement toutes sortes de maladies. Dont la fatigue, la dépression, l’insomnie, globalement la petite forme, qui pouvaient d’autant plus être chroniques que le phénomène était régulier sinon quotidien. C’est la théorie de l’autointoxication.

– Oui mais enfin ça se saurait si notre propre digestion nous rendait malades.

– Eh ben non, pas forcément, si c’est un problème qui est apparu avec l’évolution il y a très longtemps et que ça nous gâche la vie sans forcément remettre la survie de l’espèce en cause. La théorie de l’autointoxication fait ainsi des émules. Tu as par exemple notre inénarrable ami, façon de parler, John Harvey Kellogg, qui se fixe dès les années 1870 l’objectif de combattre ce qu’il appelle la septicémie intestinale. Il considère le côlon comme un véritable ennemi de la santé, qui est à l’origine de toutes sortes de maux.

– On parle bien du type qui pensait globalement la même chose de la masturbation ?

– De la quoi, pardon ?

– MAS-TUR-BA-TION. Ca s’arrange pas, dis donc.

– Si tu veux du plus sérieux, tu as aussi Elie Metchnikoff.

– Connais pas.

– Il n’a pas laissé sa marque sur le petit déj’. Encore que, c’était un partisan des yaourts et aliments macrobiotiques. Metchnikoff est un bactériologiste et immunologiste russe, arrivé en France en 1886. Pasteur l’accueille immédiatement dans son institut, et il reçoit le prix Nobel de médecine en 1908 pour ses travaux sur le fonctionnement des globules blancs.

– Pas vraiment un bras cassé, quoi.

– Non, pas vraiment. Or Metchnikoff est convaincu de la validité de la théorie de l’autointoxication, et pour lui le côlon est typiquement un organe vestigial. Cependant il se contente de le penser, à la différence d’une autre sommité de la science médicale de l’époque qu’il connaissait d’ailleurs personnellement : William Arbuthol Lane.

– Arbuthol ?!

– Absolument.

Et ça lui va comme un gant.

William…non, je ne vais pas faire semblant, à partir de maintenant on va l’appeler Arbuthol, nait en 1856 dans la bonne ville d’Inverness, qui comme chacun sait est la capitale des Highlands. C’est un jeune homme brillant, qui se tourne vers la médecine. Il est notamment loué par ses pairs pour ses talents de chirurgien.

– A croire qu’il y a une tradition locale.

– Possible. Les Highlanders sont peut-être naturellement doués pour le bistouri.

« Ca va peut-être piquer un peu. »

Toujours est-il qu’Arbuthol réalise des avancées notables dans la chirurgie du palais, et ORL en général, des intestins, et les réductions de fractures par fixations internes. Des fixations qu’il met lui-même au point. Il est très attaché à l’asepsie, et développe de nouveaux outils dans ce domaine, pour pouvoir notamment opérer en minimisant au possible les contacts entre lui et le patient.

– Mais il m’a tout l’air d’être quelqu’un de particulièrement recommandable.

– Tout à fait. Son esprit était paraît-il aussi affuté que ses instruments, et il aurait été l’une des inspirations de Conan Doyle pour Sherlock Holmes. Son talent ne passe pas inaperçu, et il recrute sa patientèle parmi les plus hauts membres de la société britannique, au point de devenir médecin du palais.

– Tu l’as déjà dit.

– Non, pas le palais…le, l’autre palais. Buckingham. Ce qui lui vaut d’ailleurs d’être anobli, puisqu’en 1913 il est fait premier baronnet.

– Arbuthol le baronnet, ça fait pas sérieux.

– Oui alors déjà l’aristocratie, hein. Pour en arriver à ce qui nous intéresse, Arbuthol donne en 1908 son nom, enfin malheureusement plutôt celui de Lane, à une maladie. La maladie de Lane, c’est la stase ou inertie intestinale.

– A savoir ?

– Le fait que matières fécales fassent un peu du sur-place dans le côlon.

– Il a attendu 1908 pour découvrir la constipation, quoi.

– Il s’intéresse surtout aux risques d’infections liés selon lui à cette présence d’une matière propice au développement des bactéries dans l’organisme. L’idée est que la stase intestinale chronique, c’est-à-dire la constipation, conduit à des problèmes systémiques.

– Il transforme l’idée générale d’autointoxication en maladie spécifique.

– C’est ça. Pour Arbuthol, l’autointoxication est la mère de toutes les pathologies chroniques modernes. Dans un premier temps, comme d’autres avant lui, Arbuthol recommande d’abord de vigoureuses et régulières purges des intestins. Puis avec le développement des techniques chirurgicales, notamment l’anesthésie et les antiseptiques, la possibilité de se débarrasser du côlon se concrétise. Arbuthol préconise son ablation, la colectomie, pour…à peu près tous ceux qui ne se sentaient pas particulièrement bien sans plus de diagnostic spécifique.

– C’est la détox extrême.

– Exactement. Le principe est d’évacuer les excréments dès que les nutriments ont été absorbés, puisque l’idée de l’époque est que rien de biologiquement intéressant ne se déroule dans le côlon, qui ne sert que de bouillon de culture à quantité de bactéries et cochonneries diverses.

– Conséquences pour les patients ?

– Au mieux, pas de conséquence. Ca ne leur change pas particulièrement la vie. Ce qui signifie en creux qu’ils ne voient pas vraiment les effets à la limite du miraculeux que l’opération est censée leur procurer.

– Carrément ?

– Ah ben oui. L’idée de la maladie de Lane fait de nombreux émules. A partir de 1910 environ, des milliers de patients américains et britanniques, dont on peut contester la qualité de patients dans la mesure où leur appareil digestif était en parfaite santé, se sont fait sauter le côlon. L’opération était préconisée pour à peu près n’importe quoi, de la petite forme générale à évidemment tous les problèmes gastriques et digestifs imaginables, mais aussi des maux de gorge, les épilepsies, ou des dépressions. Et puis ça devait aussi avoir des effets anti-vieillissement.

– Mais en fait non.

— Ben non.

– Tu as dit que « au mieux » il n’y avait pas de conséquence.

– Ben oui. Arbuthol est de fait un chirurgien très compétent, mais à l’époque ça veut dire qu’avec lui le taux de mortalité lié à l’opération n’est que de 10 %. Auquel tu dois quand même ajouter le risque de complication.

– Ca fait quand même beaucoup pour une procédure inutile.

– Indubitablement. Par la suite, Arbuthol s’illustre encore, au bon sens du terme, pendant la guerre, puisque ses travaux font avancer la chirurgie reconstructive. Puis en 1924 il abandonne la pratique médicale, et en 1925 il crée la New Health Society, qui promeut une approche plus globale de la santé à base d’exercices, de régime alimentaire, et de modes de vie sains. Ce qu’il définit également comme la médecine sociale.

– Oui ben il vaut mieux faire du yoga et manger des fibres que de se faire retirer une partie des intestins.

– Effectivement. Cependant l’idée de l’autointoxication n’était elle-même qu’une branche de la théorie plus générale qui voulait que le corps contienne de nombreux foyers locaux d’infection, ou focal infection theory. Foyers dont les conséquences pouvaient être tout à fait délétères, a fortiori si leurs effets se combinaient. Il convenait donc de s’en débarrasser. Outre le côlon, les dents, les amygdales ou l’appendice sont ainsi vus comme des sources de problèmes.

– Quels genres de problèmes ?

– Psychiatriques, notamment. C’est le moment de te présenter Henry Aloysius Cotton. Le docteur Henry Aloysius Cotton.

– Est-ce qu’il pourrait poser sa paire de pinces, d’abord ?

– Je crains que non.

Allons, il respire la bonhomie.

Cotton est convaincu que les foyers d’infection en question étaient notamment à l’origine de la schizophrénie et des troubles bipolaires. A la base de son raisonnement, l’observation suivante : les gens qui souffrent d’infections font des fièvres pendant lesquelles ils ont à l’occasion des hallucinations, donc les maladies mentales sont dues à des infections.

– Ca me paraît un peu rapide.

– La fortune sourit aux audacieux. Pour peu qu’il lui reste des dents. Henry devient en 1907 directeur médical de l’asile d’aliénés du New Jersey, à Trenton.

– Ouh, chouette, un asile du début du siècle, ça va pas être glauque !

– Si tu t’imagines un sadique à la limite du tortionnaire, tu te trompes. C’est plutôt un progressiste. Ainsi, il met en place à son arrivée plusieurs innovations positives. Il supprime les entraves mécaniques pour les patients, installe des alarmes incendies, ouvre une école d’infirmières, introduit les thérapies occupationnelles, et fait intervenir des travailleurs sociaux.

– En effet, c’est pas mal du tout ça.

– Tu vois, tu es mauvaise langue. Il fait également remplacer tous ses infirmiers par des infirmières, en expliquant que les hommes sont naturellement plus brusques, alors qu’une présence féminine est de nature à rasséréner les patients.

– J’ai suffisamment de références cinématographiques d’infirmières épouvantables pour en douter.

– Je laisse à chacun le choix de considérer que c’est un raisonnement progressiste ou une accumulation navrante de stéréotypes de genre, mais ça part d’une bonne intention. Cependant le développement de la bactériologie, et notamment la découverte dans les années 1910 de bactéries dans le cerveau de patients psychiatriques, renforce les idées de Cotton. Il voit les germes et le pus comme l’origine des maladies mentales, et se convertit à la focal infection theory en 1915. Un certain Julius Wagner-Jauregg partageait également ces idées.

– M’étonne pas.

– A partir de là, Cotton se fait fort de prouver que la plupart des malades mentaux souffrent en fait d’une forme ou une autre d’autoinfection, et d’identifier tous les foyers possibles. Il n’est pas le premier, mais peu y sont allés avec autant d’enthousiasme. C’est donc à partir de 1916 qu’il s’attaque aux dents. Celles qui sont abimées, puis finalement même celles qui semblent en bonne santé. Lui et son équipe ont arraché plus de 11 000 dents pendant qu’il occupe son poste à l’asile, c’est-à-dire jusqu’en 1930. Et on ne peut pas lui reprocher de ne pas pratiquer ce qu’il prêche : par mesure prophylactique, il fait arracher celles de sa femme et de ses enfants.

– Mais quelle horreur !

– Si faire sauter le râtelier ne donne pas les résultats escomptés, il pousse la recherche plus loin. Les amygdales, puis le sinus, et les végétations. La vésicule biliaire, l’estomac, la rate, et évidemment le côlon. Ou encore l’utérus, les testicules, ou les ovaires. Cotton prétend atteindre des taux de guérison de l’ordre de 85 %, ce qui lui attire de nombreux patients. D’autant qu’il met en avant ses résultats dans la presse générale plutôt que dans les journaux médicaux et scientifiques. Il devient une figure publique. Il fait des tournées. Il donne une série de conférences à Princeton en 1922, qui sont reprises dans le New York Times. Ce dernier le présente alors comme un génie scientifique porteur de grands espoirs pour la médecine en général.

– Mais, c’est n’importe quoi, on est d’accord ?

– Oui. Mais bon, quand une espère de gourou médiatico-médical s’est installé sur le devant de la scène, c’est pas évident de s’en débarrasser.

– C’est vrai, peuchère.

– Déjà, Cotton oublie de mentionner qu’en l’absence d’antibiotiques, beaucoup de ses patients mourraient des suites des opérations. Le taux de mortalité est de l’ordre de 30 %. Ensuite, évidemment qu’une ablation des amygdales ou de la rate ne soigne pas plus de la schizophrénie que des dents en moins.

Reconnaissons que pour certains patients, ce serait pas idiot.

D’ailleurs, tous les psychiatres n’étaient pas d’accord avec lui. Au contraire, un certain nombre contestaient l’idée que toutes les maladies mentales aient une origine bactérienne.

– Tu me redonnes un peu espoir dans la profession.

– Plusieurs mènent dès les années 1920 des études pour prouver que le taux de guérison des malades mentaux n’est pas influencé par les différentes ablations recommandées par Cotton. Pendant que ce dernier se contente de publier des résultats montrant que les différents bouts retirés de ses patients contenaient bien des bactéries diverses, ergo c’était là le problème. En conséquence de quoi il est de plus en plus contesté.

– Tu m’étonnes.

– Cotton fait l’objet d’une enquête du Sénat du New jersey en 1925, mais parvient néanmoins à garder sous silence que son fameux taux de guérison de 85 % est associé à un niveau de mort chirurgicale de 30 % à 40 %. Cependant le développement de la psychothérapie conduit à l’abandon de la colectomie comme traitement psychiatrique, et elle n’est plus pratiquée que dans son hôpital de Trenton. Il quitte la direction médicale de ce dernier en 1930, et là ça tourne mal pour lui.

– Genre ?

– Il finit par se dire qu’il est en train de perdre la tête. Et donc logiquement il s’arrache les dents. Il serait peut-être allé plus lui, mais meurt d’un infarctus en 1933.

– Je ne vais pas trop le pleurer.

– A noter que Cotton et les autres ont eu une forme de postérité. L’ablation des amygdales est devenue très courante aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. 80 000 écoliers étaient concernés au Royaume-Uni en 1927. Il faut attendre la fin des années 80 pour que la pratique soit abandonnée.

– Bonne chose de f…

– Alors que dès les années 1990 l’idée même d’autointoxication bénéficie d’un regain de popularité. On n’en est pas revenu à préconiser les colectomies, mais je te renvoie à la persistance de toutes les « thérapies » de détoxifications et purges diverses.

– Tu veux que je te dise ? Ca me fait bien ch…

– Eh ben comme ça tu seras pas malade.

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